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15 mai, 20

Articles d'experts

Quatuor pour la fin des temps

La prison a contribué à remplir les pages blanches d'hommes aux caractères opposés et aux motivations disparates : Thomas More, Cervantès, Dostoïevski, Hitler, Gramsci... N'importe quel objet sur n'importe quelle surface a été valable pour donner un exutoire à un esprit agité, si tant est que les prisonniers aient été privés de stylo et de papier.

La musique en temps de guerre

Dans de telles circonstances, un compositeur pouvait écrire quelques notes, mais à peine les mettre sur son instrument. Si le musicien était également enfermé dans un camp de concentration, entouré de toutes sortes de misères physiques et morales, quel serait l'intérêt de composer ? Une musique sans espoir ne devrait pas naître, ou naître lorsque le danger est passé, et que ce serait le moment d'exprimer un malaise et de lancer un cri de justice. C'est, par exemple, l'atmosphère de l'oratorio d'Arnold Schöenberg, Un survivant de VarsovieLa ville est pleine d'horreurs.

Les miracles de la musique

Cependant, un miracle peut également se produire dans un camp de concentration. Le compositeur français Olivier Messiaen a créé l'une de ses œuvres dans le camp de Gorlitz devant un public de cinq mille détenus et gardiens fin 1941. Le public a écouté le piano de Messaien et le violon, le violoncelle et la clarinette de trois autres prisonniers français. C'est ainsi qu'a eu lieu la première du Quatuor pour la fin des tempsqui évoque une lecture de l'Apocalypse avec la présence d'un ange levant la main vers le ciel et proclamant la fin des temps. Une musique de mysticisme et de mystère, peut-être pas adaptée à toutes les oreilles, mais capable de faire méditer les hommes secoués par la douleur et les gardiens prisonniers de l'obéissance due.

Olivier Messiaen 1

Olivier Messiaen

La naissance d'une œuvre d'art

Le temps s'est arrêté pour tout le monde dans le pays de Silésie, mais la sensibilité et le talent musical d'un prisonnier, un jeune organiste de l'église parisienne de La Trinité, ont ouvert des fenêtres d'éternité. Pas de musique apocalyptique du 19ème siècle dans le style de Berlioz et Verdi, mais plutôt une liturgie insinuante d'oiseaux à l'aube, quelque chose de familier pour un prisonnier. Les premières notes de l'œuvre suggèrent la présence de ces "petits prophètes d'une joie immatérielle", selon les propres mots de Messaien.

Les premières notes de l'œuvre suggéraient la présence de ces "petits prophètes d'une joie immatérielle".

Se souvenir de cette première musicale insolite revient à refuser que nous vivions dans un monde insensé où la méfiance serait le fondement de la sécurité, et même de la liberté, une liberté individualiste. Ce qui est certain, c'est que Messaien avait dans ses bagages des disques de Bach, Beethoven, Ravel et Stravinski. Un détail qui attire l'attention du commandant du camp, un mélomane qui ne s'est pas déshumanisé, et qui lui offre du papier à musique et un piano. C'est ainsi qu'est née la première audition d'une œuvre qu'Hitler et Staline auraient rejetée, l'un comme "musique dégénérée" et l'autre comme non conforme au "réalisme socialiste". Ils ne pouvaient pas prévoir que l'œuvre aurait finalement plus d'une centaine d'enregistrements.

L'attitude du commandant est une note d'espoir pour tous les temps. Nous devrons avoir confiance qu'il y aura toujours quelqu'un qui n'obéira pas à des ordres arbitraires, comme celui du Führer de mettre le feu à Paris, qu'il y aura quelqu'un qui ne croit pas que la discipline est synonyme de moral.

Antonio R. Rubio Plo
Diplômé en histoire et en droit
Écrivain et analyste international
@blogculturayfe / @arubioplo

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